Mardi 9 - Jeudi 11 – Delhi, la Conférence

Comme les activités commencent à midi, j’ai encore la matinée libre avant de me transformer en mouton avec badge autour du cou. J’en profite pour marcher jusqu’à Connaught Place, la place animée du centre de New Delhi. Malheureusement, il est trop tôt et la place est déserte, tout est fermé. Le soir, cela doit fermer tard… Je retourne tranquillement à l’hôtel en passant par le « Jantar Mantar », un curieux monument qui est un observatoire astronomique du XVIIIe siècle. Si on ne le sait pas, c'est un spectacle à la Chirico, on voit des toboggans géants, des tours arrondies, des geôles en forme d’engrenages, le tout peint en rouge et blanc. De près on remarque un peu partout de fins traits parallèles: c’étaient les graduations qui permettaient de faire des mesures astronomiques sur ces instruments gigantesques.

Après un petit déjeuner de fruits à l’hôtel, j’ai encore un moment pour mettre au propre mes notes éparses sur mes impressions de voyage. Cela commence à occuper quelques pages écrit petit. Bien sûr j’oublierai le tout dans ma chambre en partant. Il doit y avoir quelque chose que je tiens à oublier.

A midi, je me joins à la petite foule de collègues du monde entier qui attend dans le hall. Je ne connais à peu près personne et discute au hasard des rencontres. Nous embarquons en bus pour l’hôtel « Taj Palace » où se tiendront les travaux. Nous avons pour 20 minutes de trajet car cet hôtel est assez loin, dans une partie de New Delhi encore plus luxueuse, uniquement peuplée de casernes et d’ambassades. On n’y laisse même personne camper sous les arbres des trottoirs.

De la conférence elle-même, peu de chose à dire. 700 collègues presque tous inconnus, des sessions interminables à écouter des présentations mal construites ou mal présentées, où l’on rit aux boutades pas drôles des haut gradés, des pauses où l’on bouffe, l’on bouffe. En marge des sessions, on fait son petit marché : un service à demander à untel, une affaire à confirmer avec tel autre. Et bien sûr une étrange impression d’extra-territorialité. Un désintérêt général pour l’Inde, qui me semble pourtant le principal message de cette réunion. Je semble à être le seul à avoir glissé quelque escapade à son programme. Les collègues indiens avec lesquels je discute ne sont guère bavards sur leur pays et ne semblent pas particulièrement fiers de le faire découvrir.

Deux repas grandioses le mardi et le mercredi soir. Ils se tiennent dans des domaines privés à une heure au sud de la ville. Les autobus doivent affronter les embouteillages du soir puis traverser des quartiers populaires, encombrés de tricycles à moteur garés entre les boutiques minuscules, de vaches, de chiens et de piétons affairés. Parfois aussi on passe devant un centre commercial luxueux. Après trois jours, je m’y suis fait, mais la plupart des collègues sont incrédules. Et pourtant c’est un quartier normal, rien à voir avec les bidonvilles de la banlieue. Enfin, nous arrivons à la lisière de la ville. S’y alignent des domaines privés qui ont des airs de club de campagne, avec des pelouses et de vastes tentes. La nourriture est excellente mais l’ambiance bien trop artificielle. « Dîner indien » le premier soir, où l’on nous coiffe de turbans, revêt de colliers de fleurs et gratifie d’un spectacle de danses manquant de conviction. « Dîner contemporain » le deuxième jour, dans une salle semi-ouverte bruyante, agrémenté par la conférence d’un alpiniste américain complètement privé de charisme. Au retour, le bus longe à nouveau le chantier du métro express, éclairé comme en plein jour et qui s'active sans cesse. Il paraît que ce projet est un modèle d'efficacité au milieu de l'océan d'incompétence et de corruption général (le ministre des finances indien, qui nous accordait une conférence le matin, le citait en exemple).

Jeudi soir, dîner libre. Pas de chance, à l’hôtel où je suis, je ne connais pas grand monde. Finalement je tomberai sur le groupe des Français (sympathiques) de service. Auparavant, je fais un tour à Connaught Place, en passant devant les marchés de fringues en plein air. Y traîne une foule jeune habillée mode, insouciante. A l’entrée du bazar souterrain de Connaught Place, un garde blasé poireaute devant un détecteur de métaux cassé (de toute façon on peut passer à côté). C’est par là qu’éclateront quelques unes des bombes après-demain.

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